Les projets de réforme de l’organisation économique du nucléaire, la refonte de l’entreprise publique EDF et, plus encore, la fin programmée à 2025 des mesures de soutien à la concurrence amènent les acteurs à devoir reconsidérer l’ensemble de la régulation du secteur de l’électricité.
La CLCV, qui a pour seul but de défendre l’intérêt de tous les particuliers dans leur consommation d’énergie, propose un retour régulé au monopole de distribution.
L’ouverture du marché de l’électricité est un échec qui s’avère nuisible pour le bien-être des consommateurs
La concurrence n’a apporté aucune innovation et donc aucune rupture de modèle tarifaire. Les opérateurs se contentent de proposer 6 %, avec souvent quelques services en moins, relativement au tarif régulé. Ils ont aussi multiplié les démarches pour faire croître ce tarif réglementé afin de faire croître leur propre prix. Notamment, depuis 2019, les mesures visant à garantir la survie de ces opérateurs («contestabilité») contribuent nettement à la hausse du tarif régulé (syndrome du «pour faire vivre la concurrence augmentons le tarif»).
Par ailleurs la seule action tangible des opérateurs alternatifs est un recours puissant aux pratiques commerciales trompeuses et agressives. Le démarchage qui tourne à l’intimidation et au mensonge est pour partie la conséquence de l’ouverture du marché. Les opérateurs alternatifs utilisent en effet ce moyen car ils ne peuvent pas réellement se différencier dans le prix ou la qualité.
Mettre un terme au «partage du nucléaire» et à la contestabilité en 2025
La loi Nome de 2011 avait organisé en France l’ouverture du marché pour essayer de résoudre une équation impossible : rendre concurrentiel un marché où tout le transport est un monopole naturel et où l’opérateur historique a développé une capacité de production (nucléaire) en l’état bien plus compétitive que les autres.
Du fait de l’engagement communautaire, il a été monté un système complexe d’entente sur les prix et les qualités du nucléaire (dit Arenh) qui donne aux opérateurs alternatifs un accès aux capacités nucléaires d’EDF. D’une manière plus générale, la commission de régulation de l’énergie a développé une vision très extensive de la contestabilité. Elle consiste à venir en aide aux alternatifs quand ils ne sont plus compétitifs par divers moyens dont les fameuses hausses du tarif réglementé de vente de l’électricité.
Ce partage du nucléaire était plafonné et surtout limité dans le temps. En effet, il ne s’agit pas de porter à bout de bras la concurrence ad vitam æternam. Ces mesures ont été prises pour donner la possibilité à la concurrence de s’installer dans le secteur, devenir énergéticiens, et notamment développer des capacités de production (si possible innovantes) pour ne plus avoir à utiliser le nucléaire EDF. Une décennie après la loi Nome, il apparaît que les opérateurs alternatifs n’ont quasiment rien construit (capacité de production, innovation, etc.) se contentant de profiter des mesures de soutien pour courir à la part de marché afin, assez souvent, de se revendre à un grand groupe (c’est le cas de Poweo, Lampiris, Direct Energie).
Ces mesures sont censées s’arrêter en 2025. Le gouvernement et la Commission européenne, qui veulent absolument sauver la face et sauver la libéralisation, veulent prolonger indéfiniment ce qui était censé être une mesure de transition.
Pour la CLCV, en 2025, soit 18 ans après la libéralisation, il est temps pour les opérateurs de rentrer dans l’âge adulte et surtout de mettre un terme à ses dispositifs qui désincitent à l’innovation et qui tendent désormais à faire monter les prix. Le dispositif Arenh et les mesures spécifiques de promotion de la contestabilité doivent donc prendre fin en 2025.
Pour la CLCV : Le modèle québécois plutôt que texan
La CLCV a soutenu et soutient un nombre important d’ouvertures de marchés (télécoms, internet, assurance emprunteur…). Dans ce cas présent, elle s’y oppose tout simplement parce que les conditions techniques du secteur français et l’absence d’innovation de rupture, contrairement à la révolution numérique, ne permettent pas d’installer un système concurrentiel viable et utile pour le consommateur.
Mettre en 2025 un terme au système d’entente qui vise à promouvoir coûte que coûte la concurrence, ce que propose la CLCV, aboutira probablement à un retour à un quasi-monopole puisque les opérateurs alternatifs ne sont pas naturellement compétitifs. Le retour au monopole, dont il faudra bien sûr réguler le prix, s’explique simplement par le fait qu’en l’absence d’innovation de rupture il n’y avait pas matière à libéraliser le secteur de l’électricité en France. De ce point de vue les instances communautaires ont commis une erreur de vouloir libéraliser l’électricité partout en Europe et nous avons écrit un courrier en ce sens, que nous rendons public, à la commissaire européenne.
Rappelons qu’en Amérique du Nord nombre d’États aux États-Unis et de provinces au Canada ont choisi un monopole régulé, notamment quand leur système technique comprenait une rente monopolistique de production (le nucléaire en France, l’hydro au Québec). Ceux qui ont choisi la libéralisation, comme le Texas, ne se portent pas toujours très bien.
Il est donc rationnel de revenir à un monopole régulé. Cela est tout à fait possible car il suffit de ne plus soutenir artificiellement la concurrence passée 2025.
Pour la CLCV, revenir au monopole ne signifie en rien renoncer à la vraie concurrence: celle du projet et de l’innovation. Il faut promouvoir toutes les velléités d’innovations (de type stockage, énergie décentralisée, énergies renouvelables) qui à un moment, comme pour les télécoms et le numérique, induiront une rupture qui rendra la concurrence viable.
Source : CLCV Nationale